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VISIONS DE L’INDE

La crise sublime qui fait préférer la solitude et la pauvreté, la maladie du cloître ou plutôt de l’idée du cloître (car les monastères sont rares dans l’Inde et le Bouddhisme seul a multiplié les ascétères à Ceylan particulièrement et au Japon) c’est-à-dire la fuite au désert, vers la jungle, sur les cimes himalayennes, ont toujours décimé l’Inde comme la peste, la morsure des serpents, la famine ou la guerre. C’est, si j’ose dire, « le mal divin ».

En somme, j’ai tort de l’envisager avec un peu de la méfiance des savants modernes, cette passion de l’exil, cette ivresse de l’âme qui se boit elle-même comme un philtre, un poison exaltant ! L’Ascète, — quel qu’il soit — est le maître de l’Inde, le roi véritable, occulte, sans glaive ni couronne, sans autre majesté que l’aube intérieure dont il est le témoignage et le témoin.

De lui nous viennent les Védas, la plus vieille des bibles naturelles et ces Upanischads anonymes qui sont les réflexions parlées dans la solitude, inscrites aux mémoires et répétées de bouche en bouche avant d’avoir subi le grand refroidissement du livre ; de ce farouche isolé découlent les lois originelles aujourd’hui mal comprises et désuètes, mais qui firent la force de ce pays, premier berceau des autres peuples. L’Inde peut-être n’a subi la décadence qu’à cause de l’extinction de cette tare in-