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VISIONS DE L’INDE

bois où je me glisse est si écrasée qu’on n’y peut tenir que couché ou accroupi. Ce sont les postures adéquates au rêve…

Je pousse nonchalamment les volets des « windows » et le « Hougli Bridge » apparaît, le pont magnifique d’Howrah, vers la gare, avec sa foule de Bengalis blancs et rouges sortant de Calcutta et y rentrant, tantôt à pied, tantôt dans des « tika-garry » ces voitures d’équilibristes, parfois dans les palanquins entre-clos où gargouille le ventre d’un babou graisseux, où sourit le visage maigre aux yeux ardents de quelque Sakountala moderne. Et ils vont et viennent, et ils bougent, et ils roulent ces lambeaux de couleurs fripés par le vent, et ils se suivent sans arrêt, pareils à une courroie interminable courant sur une roue.

Tandis que nous glissons dans l’onde trouble, j’aperçois la rive où une agitation formidable rappelle le bassin de Londres. Des centaines de steamers de la « British Indian » conduisent le paysan du Bengale aux marchés de la Ville-Monstre. Des bateaux de plaisance flânent, des steamers filent à toute vapeur vers Ceylan, le paradis du monde, vers l’Égypte, vers Marseille, vers la patrie… Les quais, que l’on agrandit sans cesse, craquent d’une activité féroce. Ils sont encombrés des produits spéciaux de l’Asie : amoncellements de « jute » ; ballots d’indigo et de