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VISIONS DE L’INDE

thé venus de Béhar, d’Assam et de Darjilling ; charbon des environs de Calcutta ; tapis merveilleux ; corbeilles de jaunes bananes. La population nue grouille au milieu des marchandises et des trains qui les véhiculent, comme de grands végétaux animés, macérés dans le soleil. C’est le matin. Des « ghâts », énormes escaliers plongeant dans l’eau, descendent des foules bigarrées de baigneurs pieux. Avec une chasteté savante, les femmes se dévêtent et se rhabillent, aux yeux de tous. Je prête l’oreille. Un vieux brahmane, son cordon sacré au cou, ses mains ridées unies en coupe, chante en offrant au soleil un peu de cette eau malpropre et sainte en holocauste pour les ancêtres privés de la lumière du jour.

Le verset sanscrit arrive jusqu’à moi, porté par la légèreté de l’air. « Om ! Brahma Kripaï Kevolom ! » « Brahma, que ta bonté seulement s’accomplisse ! » Admirable prière qui ne demande à Dieu que d’avoir pitié… D’autres scènes exquises, toutes pastorales. Des humbles veulent que l’animal de la maison, la vache lactifère, le veau, surtout si joli là-bas, et aimé autant qu’un enfant, profite du bienfait de la baignade. Mais la bête s’ébroue, têtue, refuse de se jeter dans ce liquide où pourrissent les lotus. L’Hindou ne la battra point. Et il s’ingénie, comme une mère entraînant le bébé qui lui

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