Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
375
VISIONS DE L’INDE

À travers le récit de l’Afghan, l’image de son maître s’évoquait pour nous, fière, redoutable et pourtant puérile

Abdoul Rhaman[1] adorait l’électricité, les costumes européens, les glaces d’Oxford Street. Préoccupé des affaires de son peuple, il lui arriva de passer des journées entières en oubliant de manger, et, dans la nuit, il se levait tout à coup comme un somnambule pour lire les innombrables lettres que ses sujets lui adressaient directement.

Il fut un « féministe », cet homme qui prit cent concubines. Il défendit les mariages d’enfants si fréquents en Asie, et décréta que les filles ne s’uniraient qu’avec l’homme de leur choix. — Voilà une loi, me dis-je, qui n’est pas encore votée en France.

— Les veuves, que la coutume obligeait à épouser leur beau-frère, purent disposer de leur corps. Il adoucit la situation des esclaves. Tout prisonnier qui pendant sa captivité avait appris un métier manuel était aussitôt libéré et trouvait du travail dans les ateliers de l’État.

Abdoul Rhaman tenait à devenir populaire. Naturellement il n’y a pas de presse dans l’Afghanistan. Ce sont les chansons qui la remplacent. Un jour, en

  1. Ce titre signifie « la miséricorde de Dieu ». Si jamais appellation fut ironique, c’est celle-là. Abdoul Raman se montra impitoyable envers ses ennemis et traître envers les siens.