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VISIONS DE L’INDE

aux siens quand l’extase ne le retenait pas dans ses abîmes.

L’enfant, qui allait devenir son disciple préféré, but de toutes ses oreilles l’enseignement du maître ; et, comme son cœur de patriote saignait de toutes les misères et de tous les désespoirs de son pays, il rêva de le régénérer d’après les conseils sublimes du solitaire. Celui-ci l’appela Vivekananda (conscience heureuse), et lui ordonna de parcourir le monde afin d’en rapporter l’expérience nécessaire aux réformateurs ; puis il mourut. Le jeune disciple crut en perdre l’âme. Il devint un « Sanyasi[1] », rejeta jusqu’à ses vêtements et parcourut l’Inde, à pied, vêtu de cendre, mangeant tantôt chez les rajahs, tantôt chez les plus humbles paysans, dormant sous les vérandas ou dans les arbres, pleurant la perte de son maître et jurant de rendre immortel et efficace l’évangile qu’il avait reçu. C’était une sorte de religion universelle, sans culte précis, avec le respect égal pour tous les dieux et tous leurs messagers. Quand il se sentit fortifié par cette vie errante de mendiant divin, il partit pour l’Amérique, où il obtint, par ses conférences, un succès fabuleux. Mais il acheva d’y perdre sa santé fragile de Bengali, voué héréditairement au diabète et à la maladie de

  1. Mendiant sacré divinisé par le renoncement.