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VISIONS DE L’INDE

Il s’excusa de ne pas nous donner de viandes. Le monastère n’en use pas.

Bizarre appartement que celui du Swami, où la simplicité nue de l’anachorète hindou s’amalgame avec les meubles pratiques du philosophe occidental : fauteuil à bascule, bibliothèque variée où Emerson et Spencer coudoient des publications indigènes en « verminaculaire ».

Un disciple docile nous offrit un peu de bétel enveloppé dans une feuille verte ; le tout venait d’être cueilli au jardin. J’y mordis : un goût de nicotine et de fleur remplit ma bouche, mes dents devinrent rouges.

— Toute l’Inde fume et mâche des narcotiques, dit en souriant le « sanyasi ». Pour nous, la vie est seulement un rêve ; et ce que vous appelez, vous, le rêve, est au contraire, pour nous, la seule réalité. Tout ce qui, pour Vous, est vrai, véritable, réel parce que tangible et visible, n’est, pour Nous, qu’un jeu de Maya, de l’Illusion. Cela change et passe, cela ne vaut pas la peine d’être aimé, pas même d’être regardé. Les cités, les gloires, le luxe, les civilisations, les prodiges de la science matérielle, nous avons connu tout cela, il y a des siècles, et nous nous en sommes, à l’usage, dégoûtés. Jeux d’enfants faits pour des enfants. Nous nous sommes réveillés de ce songe brutal que vous faites encore,