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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/89

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VISIONS DE L’INDE

ont apparu ; elle réclame l’inévitable bakchich, tantôt avec un sourire de courtisane, tantôt par une attitude hypocrite de mendiant, tantôt avec des cris haletants d’argyromane. Des fakirs nous croisent sans daigner nous voir, avec leur turban de corde, leurs reliques, leur peau nue enduite de cendre. Des chameaux nous obligent à grimper aux devantures, des bœufs nous poussent. Un cortège de musiciens multicolores passe auprès de nous en dansant. Ils se dirigent vers le temple de Vichnou, le dieu des riches, qui naturellement habite au milieu des marchands ; et ils jouent sur des instruments bizarres une musique exquise et féroce.

Les fanatiques du cortège ont sur leur front une couche épaisse de vermillon, comme si une main sanglante s’y était posée ; leurs yeux d’hallucinés s’affolent encore à la musique et au prisme des cotonnades où ils s’enveloppent. Je n’ai vu rien de tel à Damas ou au Caire. La folie mahométane n’a pas cet excitant formidable de l’Idole, avec les sacrifices sanglants, les cantiques, les cérémonies, les processions, les fleurs épanouies, toute cette nature d’Asie qui halète de cruauté et d’amour. Sur ces étroites échoppes où brillent les prunelles vénales d’imposteurs, souffle un vent d’extase extraterrestre venu de ce cortège sonore et coloré ; et