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VISIONS DE L’INDE

Nous avançons dans un quadrilatère bordé d’une colonnade, où somnolent des mendiants sacrés et que ventile la course effrénée des singes. Les temples de l’Inde ont le plus souvent le ciel comme dôme et les bêtes comme habitants. Au centre, le sanctuaire est la plus sale place et la plus sacrée. Il s’élance en pyramide de plus en plus aiguë, où s’enlacent les animaux de pierre monstrueux, dieux eux-mêmes et symboles des métempsycoses. Par la porte de bronze ouverte, dans la suante pénombre, apparaît l’Idole, pierre rouge et noire, hypnotique, sur un lion, horrible et belle. C’est Durga. Le prêtre, goguenard, m’empêche de l’approcher. Un Hindou seul peut pénétrer dans l’antre. Au centre de cette cour, comme à Calcutta, au temple de Kali, s’offrent le billot pour les chèvres et le couteau rouge encore. Mais nous ne sommes pas venus à l’heure du sacrifice. Tant mieux. Je préfère cette paix des colonnades dans une forêt vivante. Je n’y sens pas la Nature sanguinaire, mais la bonne, l’indulgente, l’indifférente, qui laisse les bêtes, les arbres et les hommes vivre amis…

Durga est, comme Kali, l’épouse du Dieu Shiva, Durga l’ « inaccessible ». Kali est le temps qui dévore toutes choses, Durga est l’Espace qui contient tout. Elle est la matrice d’où jaillit l’univers, la tombe où il rentrera. « La matrice et la tombe ont toutes