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Page:Jules Feller - Essai d’orthographe wallonne, 1900 (in BSLLW t. 41 p.1-237).djvu/6

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chercher dans ceux-ci des motifs et des raisonnements. Avant de se hasarder soi-même, il sera bon de discuter les théories émises, de les analyser parcelle par parcelle ; d’en mettre à nu les contradictions et les faiblesses, pour les écarter ; d’en faire saillir les parties saines et fortes, pour les conserver.

Nous voulons donc procéder par induction uniquement, et c’est par la critique des projets et des procédés existants que nous espérons aboutir à un système plausible.

Qu’on ne dise pas, en tout cas, que le wallon n’a pas derrière lui des traditions graphiques. La tradition n’est pas constituée par les théories ; elle l’est par les habitudes, même mauvaises, des écrivains. On a beau jeu, dit-on, d’imposer une réforme radicale, puisqu’il n’y a pas d’orthographe ! Raisonnement spécieux. C’est l’unité orthographique qui ne règne pas. Mais ceux qui nient l’existence de toute tradition montrent simplement qu’ils ne perçoivent pas les tendances communes sous la variété actuelle, que d’ailleurs ils exagèrent.

Il est vrai, la tradition n’est pas longue encore. Si, dans les siècles passés, on composait en wallon, on ne songeait guère à écrire. Ceux qui connaissaient le français, méprisaient le langage du terroir à l’égal d’un patois : ils ne s’avisaient pas de l’écrire. À peu près tout ce que l’on donne comme wallon des chroniques, des histoires et des myroirs composés en Wallonie a voulu être écrit en français et n’est wallon que dans certaines expressions et par intermittence. Les autres, moins lettrés, quand ils accouchaient d’une chanson, d’une pasquée, incapables d’observer aucune grammaire, de suivre aucune analogie, de s’en référer soit aux ascendants soit aux collatéraux du wallon, tâchaient d’écrire les sons comme ils les percevaient ; ils faisaient du phonétisme par impuissance et par ignorance. Car il y a deux sortes de phonétismes et deux sortes de phonétistes qu’il ne faut pas confondre. La cuisinière qui écrit à son chaira men qu’ella mala la janpe ne phonétise pas à la façon de Paul Passy ou d’Eugène Monseur.