Page:Jules Feller - Règles d’orthographe wallonne, 1905.djvu/17

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trompe pas le lecteur. Unifier l’orthographe, c’est faire des règles telles que les mêmes sons, dans les mêmes mots, soient écrits par tous de la même façon ; que des sons différents soient écrits différemment. À différence phonétique (assez sensible pour être exprimée par l’écriture), il faut une différence graphique. Certains auteurs, mus par un sentiment patriotique excessif, préféreraient un système purement liégeois, ne prévoyant que les prononciations liégeoises, étouffant les autres prononciations dialectales. Cette politique, soyez-en sûrs, ne pourrait donner au liégeois qu’une catholicité artificielle. C’est par l’excellence des œuvres, non par des équivoques de prononciation, qu’il faut assurer à un dialecte la supériorité sur les autres.

4. Respecter les lois bien constatées de la formation et de révolution des sons et des mots dans les langues romanes, dont le wallon fait partie. Méconnaître ces lois par des graphies fantaisistes, c’est rejeter le wallon en dehors du cycle des langues romanes. Quand nous refusons d’écrire bai pour , c’est parce qu’il ne nous est pas du tout prouvé que l’on a jamais prononcé en wallon ba-i, bay. Bai s’éloignerait donc du phonétisme sans raison analogique ni historique.

L’analogie ou imitation des graphies françaises n’est qu’une façon abrégée de respecter l’histoire du développement linguistique du wallon. Un homme qui n’a pas le temps pu les moyens d’apprendre le pourquoi et le comment d’un acte, se tire d’affaire en imitant le voisin qui est mieux au courant ; de même, nous autres Wallons, faute de connaître par une suite continue de documents la transformation du latin en wallon, nous allons demander au français les résultats d’une transformation parallèle.

Ces considérations sur la valeur de l’orthographe analogique nous permettront de nous affranchir au besoin de l’analogie. Le français a des graphies mauvaises, inutilement compliquées, dues au pédantisme ou à l’ignorance. Il faut savoir en secouer la tyrannie en wallon pour se rapprocher de ce qu’exigent la phonétique et l’histoire.