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glise, je disais bonjour à Catherine qu’entraînait sa vache, ou bien je distribuais le raisin de la vigne, ornement de la maison, à la poule et au pigeon domestique. J’étais oisif, j’étais seul, Julien n’était pas encore levé, et j’attendais Julien.

Le bon gros, curé Gabriel, en revenant de l’église, m’embrassa bien fort, et d’un ton joyeux, il m’adressa son interrogation latine : Quomodo vales ? Et moi de lui répondre dans le même latin : Valeo. En même temps il cherchait Julien, son petit Julien tout blond, joli, tout menu, et qu’il aimait comme un père aime son fils, Julien, sa famille, son héritier, l’enfant de son nom, lui saint prêtre qui ne pouvait donner son nom à aucun enfant. — Où est Julien ? se dit-il.

— Il est malade, dit la bonne, et il a fermé sa porte, le petit, il dort.

Mais Julien ne se réveillait pas.

Son oncle, inquiet déjà, va à la chambre de l’enfant et il l’appelle, Pas de réponse. Il frappe à la porte, la porte reste fermée. Il brise la porte, il entre ! Ô douleur ! À l’aspect de cette robe noire, à l’aspect de ce prêtre qui lui tend les bras pour l’embrasser, Julien pousse un cri terrible. Il tremble, il recule, il a peur, il voudrait entrer sous terre. — Qu’as tu, Julien, mon Julien, qu’as-tu ? disait le prêtre. Julien se lève et s’échappe. Je veux l’arrêter, il me regarde sans me reconnaître et me repousse. La bonne accourt ; cette femme lui fait peur aussi. — Au secours ! au secours ! s’écrie l’enfant. Il s’enfuit à demi nu. L’église était ouverte, il frémit à l’aspect de l’église ; la cloche sonna l’Angelus de midi, il tomba évanoui aux sons religieux de la cloche. C’était un enfant perdu. Que vous dirai-je ? Une horrible crise de nerfs le brisa enfin et le jeta par terre, et on le ramena évanoui dans son lit.