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Le voilè donc qui écrit, et qui compose, et qui arrange ses livres, et qui se livre tant qu’il peut à son génie. Ô malheur ! pendant que le marquis de Sade écrivait ses livres, arrive dans le même donjon Mirabeau, pour écrire à peu près les mêmes livres ; et Mirabeau s’indignait pourtant qu’on l’eût enfermé dans la même prison que le marquis de Sade qui lui faisait horreur !

Du donjon de Vincennes, le marquis de Sade fut transporté à la Bastille. C’étaient les derniers jours de la Bastille. La pauvre prison était lézardée et craquait de toutes parts. Le faubourg Saint-Antoine s’agitait autour du vieux monument, la menace dans le regard et la colère dans le cœur. En même temps grondaient au loin les premiers murmures, avant coureurs de la révolution française. La France était emportée par ce tourbillon de passions et de réformes qui devait la mener si loin, par des chemins si sanglans, et la placer si haut. Le marquis de Sade profita de cet affaiblissement dans l’autorité qui se faisait sentir au pied du trône comme dans la profondeur des cachots. Un jour même que le marquis avait été privé de sa promenade habituelle sur la plate-forme, hors de lui, il saisit un long tuyau de fer-blanc terminé par un entonnoir qu’on lui avait fabriqué pour vider ses eaux, et, à l’aide de ce porte-voix, il se met a crier : au secours ! ajoutant qu’on veut l’égorger. Il appelle les citoyens ! Le peuple accourt et menace de loin la Bastille. M. de Launay, le gouverneur, écrit sur-le-champ à Versailles : on lui répond qu’il est le maître du prisonnier, qu’il en fasse à sa volonté, qu’il peut même disposer de sa vie, s’il le juge à propos : M. de Launay se contenta d’envoyer de Sade à Charenton. Enfin, le 17 mars 1790, partit le décret de l’assemblée constituante qui rendait la liberté à tous les prisonniers enfermés par lettres de cachet ; le marquis de Sade