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de Sade est la plus infatigable imagination qui ait jamais épouvanté le monde. Rien ne put l’abattre, ni la prison, ni la vieillesse, ni le mépris, ni l’horreur des hommes ; il ne fallut rien moins que la mort pour mettre un terme à l’œuvre épouvantable de cet homme. Il vivrait aujourd’hui, qu’il écrirait encore.

Il est mort le 2 décembre 1814, d’une mort douce et calme et presque sans avoir été malade. La veille encore, il mettait en ordre ses papiers. Il avait alors soixante-quinze ans. C’était un vieillard robuste et sans infirmités. À peine fut il expiré, que les disciples de Gall se jetèrent sur son crâne, comme sur une admirable proie qui devait à coup sûr leur donner le secret de la plus étrange organisation humaine dont on eût jamais entendu parler. Ce crâne mis à nu, ressemblait à tous les cranes de vieillards : c’était un mélange singulier de vices et de vertus, de bienfaisance et de crime, de haine et d’amour. Cette tête, que j’ai sous les yeux, est petite, bien conformée ; on la prendrait pour la tête d’une femme, au premier abord, d’autant plus que les organes de la tendresse maternelle et de l’amour des enfans y sont aussi saillans que sur la tête même d’Héloïse, ce modèle de tendresse et d’amour[1].

Héloïse, à propos du marquis de Sade ! L’amour paternel sur le crâne d’un homme qui a immolé tant d’enfans dans ses livres ! Cependant c’est une conclusion que je m’empresse d’adopter, elle ne peut qu’ajouter encore aux épais nuages qui enveloppent cet homme inexplicable. Quant à cette autre conclusion physiologique qui eût fait du marquis de Sade

  1. Cette note a été faite sur la tête même du marquis de Sade par un savant phrénologiste, qui a été bien étonné quand je lui ai dit de quel marquis c’était la tête. Il est vrai qu’il avait reconnu sur ce crâne, l’organe de la destruction.