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qu’on lui destinait, il ne ressentit que de l’aversion pour elle, parce qu’il la regarda dès lors comme un obstacle au bonheur qu’il avait rêvé ; il dédaigna les solides qualités de cette jeune personne, qui les cachait sous une modestie décente, et qui avait pour guide de ses paroles et de ses actions un sentiment parfait de son devoir : elle acceptait donc avec une obéissance résignée l’époux que ses parens lui avaient choisi sans la consulter.

Mais le marquis de Sade n’était point aussi soumis à la volonté paternelle : il énonça la ferme intention de n’obéir qu’à son cœur dans une affaire qui intéressait tout son avenir ; il avoua au comte son père que, s’il consentait à devenir le gendre de M. de Montreuil, il entendait ne pas être contrarié dans ses affections, qui le portaient à demander la main de la fille cadette en refusant celle de l’aînée. Le comte de Sade, qui savait bien par expérience que son fils se sentait peu de penchant pour les habitudes conjugales, crut que c’était une défaite imaginée pour rompre le mariage projeté ; mais le marquis jura qu’il était prêt à épouser celle qu’il aimait. D’abord le comte de Sade, qui voulait seulement contracter une alliance de famille avec M. de Montreuil, ne vit aucun inconvénient à donner au marquis l’une ou l’autre des filles du président. Celui-ci, au contraire, jeta les hauts cris à la proposition que lui fit son ami, et, soutenu par l’entêtement de sa femme, il s’opposa formellement à l’union de sa fille cadette avec le prétendu de l’aînée. Le comte de Sade n’insista pas, en voyant combien était inébranlable la décision prise par M. de Montreuil, et il pensa que, dans une question de mariage, peu importait la répugnance ou l’empressement du mari : en conséquence, il enjoignit à son fils d’accepter la femme qu’on lui offrait.

Le marquis de Sade repoussa de toutes ses forces la con-