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criminelles débauches ; il s’était pourvu de pastilles de chocolat, dans la composition desquelles entrait une forte dose de mouches cantharides, ce terrible et dangereux stimulant qui produit de si effroyables désordres dans le système nerveux. Les deux complices allèrent ensemble dans une maison de filles publiques où ils prodiguèrent le vin, les liqueurs et les pastilles spasmodiques : l’effet de ces pastilles ne se borna pas à des rires, des danses lascives et des symptômes dégoûtans d’hystérie : une des malheureuses, que la drogue excitante avait mise dans l’état des bacchantes de l’antiquité, s’élança par la fenêtre et se blessa mortellement, tandis que les autres, à demi nues, se livraient aux plus infâmes prostitutions, à la vue du peuple accouru devant la maison qui retentissait de cris et de chants frénétiques. Le marquis de Sade et son valet s’étaient enfuis, mais ils furent aussitôt dénoncés à la vindicte publique, et les magistrats se réunirent aux médecins pour constater les circonstances de ce complot érotique. Deux filles moururent des suites de leur fureur impudique, ou plutôt des blessures que ces infortunées s’étaient faites dans une épouvantable mêlée.

Dès que le parlement d’Aix se fut saisi de cette affaire, le marquis de Sade, qui avait eu la précaution de se cacher, se fit écrire, par un des conseillers de ce parlement, une lettre dans laquelle on annonçait l’issue inévitable du procès, une condamnation infamante, le supplice de la roue et la confiscation de tous les biens du coupable. Muni de cette lettre qui exagérait les détails du crime et qui en faisait un véritable empoisonnement, de la nature la plus scélérate, il se présente un soir au château de Saumane. Il avait eu soin d’éloigner sa femme ; il avait rassemblé en secret le plus d’argent possible, et obtenu même, en offrant de grosses