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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Entre lui et eux, il le devine, c’est toujours te même abîme du doute et du soupçon.

Norbert, lui, se laisse aller, haineux et sombre, à l’allure de son cheval, tête penchée et comme endolori.

Norbert, aussi, pense à Rolande… Rolande si près de là…

Norbert, non plus, n’a reçu aucune nouvelle…

Norbert, aussi se pose la douloureuse et lancinante question :

— Est-elle vivante ? Est-elle morte ?

À Bazancourt, le régiment bifurque sur sa droite.

Ce n’est plus vers Rethel qu’il marche.

Le voici sur les routes qui conduisent vers l’Argonne et Verdun, pour de là sans doute être jeté dans la bataille qui se livrera sur la frontière, le long de la Meuse, des Ardennes et du Nord, en Belgique et en France… Les nouvelles sont toujours bonnes… Liège tient bon…

En s’éloignant de Rethel, les officiers reprennent un visage moins soucieux.

Norbert et Simon, seuls, restent tristes…

Chaque pas de leurs chevaux, maintenant, augmente la distance qui les sépare de la pauvre fille immobile dans son lit d’agonisante, et en qui repose le secret formidable d’où dépendent la vie et l’honneur d’un homme.

Le soir, au cantonnement, la trompette appela : « Les officiers au colonel. » Le chef transmit ses ordres. Direction, le Luxembourg, Le régiment devait se porter le lendemain sur Étain et Virlon. Déjà, du fond de l’horizon, arrivaient les roulements de la canonnade. La nuit, le hasard réunit Simon et Norbert dans la même chambre, chez une vieille paysanne qui n’avait qu’un lit et qui le leur donna. Du lit, elle en avait fait deux.

— Ça sera un peu plus dur, et pourtant vous serez