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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Mais, au début de 1918, et pour leurs étrennes, le propriétaire doubla leurs loyers, d’un coup. Les larmes et les supplications n’y firent rien : elles étaient libres de partir. Par bonheur, les cœurs charitables qui, de loin en loin, apparaissaient dans ces misères, vinrent les soulager une fois de plus. Depuis six ans, le loyer de Noémie n’était pas à sa charge. Depuis la guerre, Pulchérie, non plus, n’avait pas eu à s’en soucier. La charité continua de prendre les loyers doublés à son compte.

Restait la nourriture. Quels problèmes d’épargne ingénieuse !…

Le matin, un peu de cacao à l’eau. Le dimanche, seulement, avec du lait… et aussi quand il arrivait une bonne, une très bonne nouvelle du front !… On la fêtait en gourmandes.

La plupart du temps, elles vivaient de lapin. Le lapin fut assez bon marché pendant la guerre. Noémie en achetait un entier et le faisait cuire d’un coup. Ensuite, après le premier repas et pour les autres, on le mangeait froid. Ainsi, on épargnait le charbon. Quand, vers les derniers vestiges des cuisses et des reins, on n’arrivait plus qu’à exciter seulement l’appétit sans le satisfaire, le repas s’achevait avec des trempettes de pain dans du vin fortement étendu d’eau et sucré, si l’on n’avait pas épuisé la provision de sucre.

Pour varier ce menu, les basses viandes suffisaient et donnaient des ragoûts.

Pas de beurre… un peu de cocose ou de végétaline… et lorsqu’on ne pouvait plus acheter de cocose et de végétaline, des pommes de terre à l’eau apparaissaient… ou rissolées au four… car Noémie était très difficile et ne se refusait rien… C’est ainsi que, trois fois par semaine, elle consentait à les manger germées ou avariées, parce qu’on les lui vendait au rabais et qu’elle y trouvait encore une économie… mais