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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

trois fois par semaine seulement… Les quatre autres jours, elle se régalait de pommes de terre saines…

La nourriture, ce n’était pas tout.

Pour équilibrer son budget de soixante-dix francs par mois, et celui de Pulchérie qui n’était pas plus riche, il lui fallait compter avec de menus frais… Ces menus frais, pour elle, étaient énormes… Chaque sou dépensé, une rognure de leur vie… un sacrifice… et, comme disent les soldats, un cran de plus à la ceinture.

Il y avait le blanchissage… Noémie lavait son linge et Pulchérie en faisait autant. Mais le gaz coûtait cher et le charbon était hors de prix. Puis, il y avait les draps qu’elles étaient bien obligées de porter à la blanchisseuse… Noémie les faisait durer tant qu’elle pouvait, tant qu’ils étaient propres, afin de reculer le plus loin possible cette dépense de trente-quatre sous de lessivage qu’on venait justement de porter à deux francs. Pour les garder propres, ou du moins pour sauver les apparences elle pliait les draps sur le lit en les bordant de certaine façon, changeant la pliure toutes les fois que la poussière s’y voyait. Ils n’étaient point partout d’une immaculée blancheur, mais ce qui en restait visible était intact et l’œil des voisines n’en pouvait être affecté… Ainsi, par ces soins ingénieux, elle retardait l’usure et la dépense du lessivage.

Elles s’éclairaient avec une lampe pigeon pour laquelle elles avaient confectionné des abat-jour. Du reste, quand la nuit venait, afin d’économiser lumière et charbon, elles se mettaient au lit, et c’était là qu’elles dînaient. Il n’y avait pas jusqu’aux allumettes soufrées à chaque bout, dont elles ne se servissent deux fois, rangeant précieusement dans une soucoupe, sur la cheminée, les bouts carbonisés. La concierge de la maison était d’une rigueur impitoyable pour la discipline des locataires et l’on savait que, justement à cause de cette sévérité, le propriétaire tenait à elle et