Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

histoires qui passionnent et des aventures qui font désirer chaque matin la venue du journal où elles étaient contées… Noémie achetait tous les jours le Petit Parisien, elle l’achetait tous les jours et le collectionnait… quand le Petit Parisien dut, comme toutes les autres feuilles, se vendre deux sous, ce fut pour la bonne femme une réelle tristesse et elle perdit un peu la tête. Elle n’avait pas la ressource de s’associer à Pulchérie qui ne lisait rien, mais elle finit par découvrir une locataire qui consentit à partager avec elle cette dépense… Mais la locataire désira conserver pour elle les collections et Noémie dut en passer par cet arbitraire qu’elle ne pardonna jamais…

Telle fut l’existence impitoyablement réglée de cette pauvresse.

Telle était l’existence de milliers et de milliers d’autres inconnues dans ce Paris de la guerre, pendant ces années d’angoisses et de tant de courage.

Telle est encore la vie de bien des pauvres vieilles, qui se débattent jusqu’au bout dans leur indépendance misérable, jusqu’à ce qu’un asile consente — et elles aussi — à les recueillir.

Mais comme si Noémie n’avait pas assez d’elle-même et de Pulchérie, et de Grisette et de son journal, il lui advint un surcroît de dépenses…

Ce cœur de brave femme était largement ouvert à toutes les charités.

Un soir, elle ramena chez elle un enfant de quatre ans qui pleurait sur un trottoir de l’avenue et qu’une réfugiée avait abandonné là, au soin du hasard… quelques jours après la grande poussée des Allemands sur Compiègne.

Noémie l’emmena chez elle : il lui restait un peu de lait concentré et de sucre ; elle lui fit une soupe et le mit dans son lit. Il dormit paisiblement jusqu’au lendemain sans se réveiller. Il était blond, joli et délicat. Seulement, il devait souffrir des yeux, car un large