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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

cercle rouge les entourait presque constamment, il les fermait ou ne les ouvrait qu’en clignotant. Cette aventure fut bientôt connue dans la maison et tous les habitants défilèrent dans la chambre de la vieille. Seulement, il paraissait évident qu’elle ne pouvait conserver sa trouvaille. Une bouche de plus à nourrir, c’était impossible… Mais dans ce cœur de femme qui n’avait pas été mère, un amour maternel se déclarait foudroyant. Et quand un locataire eut dit :

— Il faudrait le déclarer à l’Assistance.

Elle répliqua en tremblant :

— À moins qu’on ne le garde et si chacun voulait faire quelque chose ?…

D’abord, on se récria. La vie était trop chère. Mais il y avait là, pourtant, des ménages d’ouvriers, homme, femme et filles ; dont les salaires réunis montaient à quatre-vingts francs par jour. Ceux-là consentirent. L’exemple fut contagieux. Chacun donna, les uns quelques sous, les autres même une pièce blanche. Et le petit Armand resta l’enfant de tous, mais confié plus particulièrement à Noémie.

Comme ses yeux ne se guérissaient pas, on fit même venir un médecin.

Le médecin parut inquiet, fit une pressante recommandation :

— C’est une inflammation dangereuse… causée par les gaz avec lesquels l’enfant a dû être en contact sur le front… Un cas curieux… Je le suivrai de près… Ne vous alarmez pas… Pourtant, il ne faut pas que cet enfant pleure… vous m’entendez bien ? Je répète pour que cela vous entre dans l’oreille : il ne faut pas que l’enfant pleure ! Autrement, je ne répondrais plus de ses yeux et il pourrait devenir aveugle…

Noémie joignait les mains.

— Oh ! monsieur, il ne pleurera pas, je vous le jure… je ferai tout ce qu’il voudra.