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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

même de longs mois, avant d’être envoyés en convalescence dans quelque station du Midi.

Elle vivait avec eux. Elle les entendait parler. Elle écoutait les récits qu’ils échangeaient des durs combats qu’ils avaient livrés, de leurs souffrances, de toutes leurs misères.

Peu à peu elle les aimait.

Ils ne lui apparaissaient plus comme des hommes d’une autre race que sa propre race, à elle, combattait. Elle se dédoublait, pour ainsi dire, pour ne voir en eux que ce qu’ils étaient, des cœurs tendres, pleins de la justice de leur cause, où n’entrait même pas l’orgueil de leurs héroïsmes.

Dans les premiers temps, elle s’était imaginé qu’ils se répandraient en insultes contre ceux qui avaient voulu cette guerre.

La haine pour ceux-là ils la conservaient au fond d’eux-mêmes, mais dans leurs paroles elle n’éclatait jamais.

Et même ils se grandissaient en reconnaissant la valeur de leurs adversaires.

Que de fois le même mot parvint jusqu’à ses oreilles :

— Ce sont de rudes soldats ! Quel dommage que ce soient des brutes !

Et elle entendait alors des récits d’atrocités qui lui faisaient horreur, auxquelles elle n’eût point ajouté foi, si ceux-là qui les contaient, avec simplicité, avec sincérité, et avec tant de répulsion, n’en avaient été les témoins, ou, parfois, les victimes.

Ignorante des desseins de Sturberg, son pays ne lui paraissait plus maintenant que très lointain et elle épousait la mentalité française.

Et elle en était venue à ce point d’oubli qu’elle se prenait à dire, souvent, quand arrivaient les nouvelles :