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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

les yeux… respira une large gorgée d’air… reconnut avec stupéfaction qu’il n’était pas blessé, mais meurtri seulement et courbaturé… et son regard, enfin, s’abaissa sur la terre…

Là, sous ses pieds, une lutte horrible, entre deux hommes qui se roulaient dans un fossé parmi les hautes herbes et les branches d’aulne écrasées…

Des halètements et des râles, et des cris de joie féroce…

Un corps gigantesque d’officier boche qui pesait sur un corps plus frêle d’officier français… deux mains énormes accrochées à une gorge par-dessous le collet blanc d’un uniforme de dragon… les suprêmes et inutiles efforts d’une force qui défaillait…

Et comme la face du vaincu était tournée vers le soleil, Simon reconnut avec épouvante. Norbert de Chambry…

Norbert qui, déjà, ne se défendait plus…

L’horreur de ce spectacle rendit à Simon la pleine possession de lui-même.

Il se laissa pendre à la fourche et tomba sur le sol.

Le Boche disait, en riant, l’écume à la bouche.

— Crève ! Crève !… Et que je te voie mourir…

Lorsqu’une main puissante s’abattit sur l’extrémité des doigts du forcené, les dégagea ; on entendit craquer les os… l’homme tourna la tête et rugit…

Mais il n’eut même pas le temps de se dresser.

Un canon de revolver s’appuyait sur sa tempe, et par deux fois le revolver tira… et la lourde cervelle avec le casque camouflé s’éparpilla dans le fossé en jets de sang et de matière blanche… Foudroyé, le corps du sauvage s’affaissa sur Norbert. Simon le prit par les épaules et le rejeta dans le ruisseau… Norbert, haletant, les yeux fous d’horreur, se souleva sur les genoux… reconnut Simon…

— C’est toi… C’est toi !… murmura-t-il.