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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Revoir Rolande !…

Une même et terrible épouvante :

— Si Rolande était morte !  !

Car depuis qu’ils étaient partis, la nuit s’était faite autour d’elle… Il y eut, en effet, au début de la guerre, des semaines lourdes, des semaines angoissantes, où l’armée des enfants de France parut coupée du reste du pays. Ni d’un côté ni de l’autre, aucune lettre n’arrivait.

À Rethel, le régiment faisait halte jusqu’au soir.

Les ordres empêchaient de s’éloigner du cantonnement. Le colonel fut inflexible. Il n’écouta ni les prières de Simon, ni les supplications de Norbert… Trois lieues séparaient Rethel de Clairefontaine, et Clairefontaine apparut comme au fond d’un désert immense, infranchissable…

Après deux heures données aux soins que réclamaient ses hommes, après avoir fait soigner et panser ses chevaux, qui étaient pour la plupart écorchés et qui n’avaient plus que la peau collée sur les os, l’œil éteint, la tête au ras du sol, renâclant et demi-fourbus, Simon eut quelques minutes de liberté.

Clairefontaine était trop près de Rethel, et la famille de Chambry y était trop connue, pour qu’il ne fût pas possible d’obtenir des renseignements sur Rolande.

Et il allait en quête de ces renseignements, lorsque, traversant le petit pont, il entendit une exclamation de joie derrière lui. En même temps, il sentit deux bras qui lui entouraient le cou, le serraient à l’étouffer, une rude figure au poil dur se collait contre la sienne, et on l’embrassait éperdument.

— Mon fils ! mon garçon !… te voilà… Je te croyais perdu… On m’avait dit que tu étais mort… et je croyais que je ne te reverrais plus jamais…

C’était Jean-Louis qui, sous le coup de l’émotion, se mit à fondre en larmes.