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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

Après les premières effusions :

— Un mot, père… Dis-moi… Mon Dieu, voilà que je n’ose te questionner…

Le visage de Jean-Louis prit une expression douloureuse.

— Rolande, n’est-ce pas ? dit-il.

— Oui… Ah ! tu n’oses répondre… tes yeux se détournent.

Il eut un cri déchirant :

— Elle est morte !  !

— Non… Hélas ! on ne peut dire non plus qu’elle est vivante… Elle est comme un cadavre qui respire… Ainsi que tu l’as laissée, ainsi tu la retrouverais…

— La même torpeur, le même silence, la même insensibilité ?

— Son pauvre regard est vide… elle ne reconnaît personne… elle ne parle pas… elle ne se plaint pas… du reste, elle n’a pas l’air de souffrir…

— Le médecin a-t-il quelque espoir ? demanda Simon, très pâle.

— Il n’y a plus de médecins à dix lieues à la ronde…

— Ainsi, elle est abandonnée… C’est affreux… Personne ne prend soin d’elle ?

— Les domestiques du château ont pris la fuite, voilà trois jours, quand on a connu que les Allemands entraient en France… une femme de chambre, seule, n’a pas voulu partir… Mais elle a, en outre, auprès d’elle, une jolie créature, dévouée comme une sainte, attentive, qui, la sachant en péril, a eu pitié d’elle, et de tout le jour et de toute la nuit, ne la quitte pas…

— Qui donc ?

— La fille du voisin, le fermier Barbarat.

— Rose-Lys ?

— Oui, on dirait qu’elle s’est donné une tâche de garde-malade compatissante et tendre… Je la savais très bonne et très douce, aussi bonne et aussi douce