pressentiments, ça ne m’a jamais trompé… Si je quitte les Moulins-Neufs, on ne m’y reverra jamais plus… D’abord, j’y aurai laissé mon cœur… tout… et mon corps ne sera plus qu’une guenille sans énergie que j’abandonnerai n’importe où…
— Et moi, je ne compte donc plus ? Je ne suis plus rien pour toi ?
— C’est vrai, pourtant, ce n’est pas juste, ce que je dis là… Toi que j’aime tant, dont je suis si fier…
— Ne faut-il pas que tu vives… pour voir Rolande guérie… et moi heureux avec elle…
Il secoua la tête :
— Rolande est perdue, mon pauvre garçon !…
— Qui sait ?… La jeunesse se débat contre la mort… La jeunesse, c’est la force, l’espoir, la vie…
— Je t’obéirai, garçon.
— Tu partiras ?
— Oui.
— Tout de suite ?
— Oui.
— Tu emmèneras Rolande ?
— Certes… Oh ! nous nous en irons tous ensemble. On se protège mieux. On se console. On sera moins malheureux… Le fermier Barbarat possède encore un cheval qu’on lui a laissé et un vieux barou disloqué… On mettra des matelas dans le barou, on étendra une bâche dessus, contre le soleil et la pluie… et à la grâce de Dieu !
Simon serra Jean-Louis contre sa poitrine :
— Séparons-nous…
— Adieu, fils ! fais ton devoir…
— Et toi, veille bien, n’est-ce pas ? Sur toi, sur Rolande, sur…
— Sur ce que je porte là, contre ma poitrine… Ne crains rien… Pour me le prendre, il faudra m’écorcher… Et puis, quel homme au monde pourrait soupçonner…