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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

— Ils doivent être à Reims… je les retrouverai… il me les faut… Je les étranglerai et je leur reprendrai mon bien… puisque, sans cela, mon enfant serait perdu d’honneur…

Et ses deux poings en avant, serrés à broyer du fer, il marchait haletant, sous l’œil surpris de Barbarat qui le croyait fou…

Ce fut le 3 septembre qu’ils entrèrent dans Reims. Des régiments français, au long des routes, au fond des fossés, ou contre les remblais des chemins de fer, gardaient les approches de la ville, pour retarder, mais non pour empêcher l’approche de l’ennemi. Reims et les forts étaient d’avance sacrifiés. Le tombereau cascadait dans les ornières, entre des haies de fusils braqués, sur des positions arrêtées pendant la nuit, dans les plaines de Witry et les champs plats de Bétheny. Déjà la moitié de la population avait pris la fuite, pour échapper aux horreurs que répandaient les Allemands sur leur passage. Le vieux cheval, à bout de forces, renâclait. Il fallait que Barbarat le tînt par la bride, sans cela il se serait abattu, Jean-Louis, la pensée lointaine, s’occupait de conduire les bestiaux, mais avec un soin machinal. Une seule idée, une idée fixe, farouche, obsédante… remettre la main, à tout prix, sur le précieux dépôt qu’on lui avait volé… C’était pour lui, maintenant, — comme pour Simon, une question de vie ou de mort… Et sous l’apathie apparente de sa démarche, son regard vif était en éveil, et son cerveau bouillonnait… Ils arrivèrent à Witry dans l’après-midi, quand le jour déclinait déjà, laissèrent reposer le cheval près du cimetière, qui n’est pas loin de la voie ferrée, et qu’un détachement de la ligne occupait avec deux canons de 75, puis repartirent. Quand ils pénétrèrent dans Reims, en pleine cohue effarée, par le faubourg Cérès, la nuit était tout à fait venue. Par les rues encombrées, la marche était difficile. On faisait des pauses fréquentes et lon-