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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

gues, et toujours, dans les ténèbres, dans la direction de Rethel, le canon grondait. Les rues étaient éclairées faiblement… Un bec de gaz allumé sur trois… Une morne tristesse, une angoisse insupportable pesaient sur la cité défaillante, qui ne savait pas encore que, pour des raisons de stratégie impérieuse, elle était condamnée et qu’elle allait être livrée aux Boches.

Jean-Louis connaissait Reims.

Il s’orienta, parut se réveiller.

— Cyrille Leduc, le grainetier du chemin de Bétheny, est un copain… Sa maison est à deux pas… Il ne refusera pas de nous donner l’hospitalité…

La maison du grainetier était vide, portes et fenêtres grandes ouvertes à tout venant. Des troupes avaient logé, depuis le départ des maîtres, dans l’habitation emplie de paille pourrie, dans les remises, les hangars et les écuries, chaudes encore du séjour des chevaux.

— Nous y serons d’autant mieux les maîtres que Cyrille est parti ! dit le meunier.

Rose-Lys s’approcha de lui :

— Rolande me semble très mal… De la fièvre s’est déclarée… Elle délire… C’est la première fois que j’entends sa voix… Nous ne pourrons pas aller plus loin, j’en ai peur…

— Nous serons tranquilles cette nuit… Demain nous aviserons…

Puis sans rien ajouter, sans aider à descendre la jeune malade de la voiture, sans se préoccuper des bestiaux, sans dire son projet, il disparut, s’enfonça dans les rues sombres du faubourg, les mains dans les poches, la tête basse, la casquette rabattue sur les yeux. À peine avait-il fait quelques pas qu’un homme surgissait derrière lui, le suivait jusqu’à l’angle de la rue de Savoye, et n’allait pas plus loin. L’homme, un instant arrêté et irrésolu, revint alors sur ses pas et se dissimula dans un hangar de la maison de Cyrille