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LES ÉCUMEURS DE GUERRE

s’étaient pliés depuis tant d’années sous la brutalité des envahisseurs, et les épaules qui s’étaient courbées sous les menaces et les coups se redressaient timidement, oh ! oui, timidement, parce qu’on ne pouvait pas croire que ce fût fini de cet esclavage abominable et qu’après tant de désespoirs sous le ciel allemand, c’était enfin là, tout proche, de l’autre côté des montagnes, l’horizon bleu de la France vaillante.

Car ceux qui remplissaient ce train venaient des prisons de l’Allemagne.

Il y avait là des vieillards, des enfants, des jeunes filles et des femmes, aux vêtements usés, rapiécés, souillés de toutes les ordures, chacun portant quelques bardes, dans un panier, dans un mouchoir ou dans un sac, les valises de cuir ayant été confisquées par les Boches.

Les pauvres gens quittèrent les wagons et se mêlèrent à cette fête des cœurs…

Et soudain, quand l’émotion fut un peu calmée, un grand cri partit du fond de ces poitrines et s’éleva comme un délivrance :

— Vive la France !

D’un des premiers wagons de ce long train de martyrs, une jeune fille, pâle, les yeux bistrés dans un visage de beauté et de délicatesse, descendit lentement et fit quelques pas sur le quai.

Des enfants se jetèrent contre elle, l’entourèrent d’un cercle réuni de petits bras qui se pressaient autour de sa robe en guenilles, et se haussèrent pour l’embrasser.

Tous lui tendaient et des gâteaux et du chocolat et des bouquets. Elle ne savait à qui répondre et qui contenter, pour ne point faire de jaloux.

Elle disait en pleurant :

— Merci ! Merci !

En un instant elle fut si encombrée que sa gentille figure, maintenant, qui retrouvait un peu de rose sur