Page:Jules Mary - Les écumeurs de guerre.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LES ÉCUMEURS DE GUERRE

s’étaient mises à écouter le récit d’un calvaire auprès duquel n’était rien ce qu’elles-mêmes avaient enduré pendant leur exil. Pourtant, celles-là aussi portaient sur leurs traits amaigris et jaunis, faces de malades, hélas ! et de tuberculeuses, l’accusation qui ne s’effacerait jamais contre la cruauté de geôliers pareils à des bêtes !

Rolande reprit :

— Pendant quatre jours, enfin, ce fut la suppression complète de toute nourriture… Supplice de la faim, supplice de la soif, c’est horrible… On ne peut pas s’imaginer… J’eus de la fièvre. Je délirai… Dans mes intervalles de retour à la raison, je fis une découverte… Quelqu’un, auprès de mon grabat, veillait nuit et jour… le major. Il était là pour épier ce que je pouvais dire dans mon délire… quelque révélation qui l’eût intéressé… implacable, sans pitié pour ma souffrance… Enfin, on me rendit un peu de nourriture… Je survécus… On m’envoya du camp de Milejghany à celui de Kovno, puis dans les environs de Vilna… Il m’était facile de voir que j’étais toujours surveillée… Cependant, à partir de cette époque, quoique séparée des autres prisonnières, je fus soumise au même régime, et aucune tentative ne fut faite pour m’arracher mon secret… Du reste, l’été approchait… Les Allemands venaient, depuis mars, de donner leur grand effort. C’était leur dernière convulsion. Ils pressentaient la défaite et commençaient à redouter le châtiment… Je fis partie d’un convoi dirigé vers la France, et me voici…

Elles furent silencieuses, et se regardèrent en souriant.

Mais une ombre voilà tout à coup leur sourire.

Et la même pensée leur étant venue, elles la formulèrent par un seul mot, ensemble :

— Et Simon ? Et Norbert ?

À cette question il ne fut pas fait de réponse.