Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/179

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était le nœud qu’il fallait délier. La justice et la bonne politique étaient de dire : l’État ne demande plus au christianisme son appui ; il lui retire le sien ; les consciences sont libres. Par ce seul mot, la liberté était assurée, et le christianisme était régénéré, car il remontait d’un coup, et par sa propre force, à la pure et sereine hauteur où son fondateur l’avait placé. Si on avait accompli dès le premier jour cette séparation de la foi religieuse et de la vie civile, le christianisme serait devenu en effet la religion dominante, non par la vaine déclaration de l’Assemblée, mais par l’ascendant d’une doctrine simple et profonde, d’une morale pure et véritablement humaine. Il est certain que ces droits de la pensée religieuse et des formes diverses de la pensée religieuse furent entrevus dans les premiers jours d’enthousiasme ; ils furent comme le rêve poétique des débuts de la Révolution.

Dieu du peuple et des rois, des cités, des campagnes,
De Luther, de Calvin, des enfants d’Israël,
Dieu que le Guèbre honore au pied de ses montagnes,
En invoquant l’astre du ciel,
Ici sont rassemblés, sous ton regard immense,
De l’empire français les fils et les soutiens,
Célébrant devant toi leur bonheur qui commence.
Égaux à leurs yeux comme aux tiens[1].

Mais comme il est nécessaire de gravir la montagne pour embrasser l’horizon, car pendant qu’on est engagé dans les sentiers on voit à peine à quelques pas devant soi, il faut regarder les événements humains à travers l’histoire pour en comprendre les vrais rapports. Le christianisme pour nos pères, impatients de tous les jongs et résolus à les briser, ce n’était pas l’Évangile ; c’était le clergé, le premier ordre de l’État, attaché à ses privilèges et à ceux de la noblesse, partisan d’une politique

  1. Hymne de la fédération, par J. M. Chénier (14 juillet 1790).