Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/364

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pas que personne puisse prendre sur soi d’affirmer qu’il n’en résultera pas de grandes et fâcheuses perturbations dans des services et des situations considérables. Nous ne sommes plus au temps de la loi juive qui, pour honorer la race d’Aaron, lui défendait d’hériter et de posséder. « Tu n’hériteras pas, et il n’y aura pas de part pour toi au milieu de mon peuple. C’est moi qui suis ta part et ton héritage au milieu des enfants d’Israël[1]. » Il ne se présente que trois moyens d’entretenir le culte sans le secours du gouvernement : la mendicité, les oblations, les cotisations volontaires. La mendicité est dans les traditions et en quelque sorte dans le génie de la religion catholique. Non-seulement elle a ses ordres mendiants, mais elle ne cesse de provoquer l’aumône individuelle soit au profit des pauvres, soit au profit du clergé ; elle fait faire plusieurs quêtes pendant chaque office dans ses églises ; elle a conservé dans une grande partie de la France l’usage des quêtes à domicile. Ce moyen est peu sûr, peu compatible avec la dignité sacerdotale, contraire aux règlements de police qui, presque partout, tendent à abolir la mendicité. Il introduit trop directement et trop intimement le prêtre dans la famille. Il aurait pour résultat infaillible d’enrichir à l’excès quelques membres du clergé et de laisser les autres dans la misère. Les oblations, ou le casuel, c’est-à-dire la rétribution spéciale affectée à chaque fonction du ministère ecclésiastique, ont aussi leurs inconvénients. Par quelle autorité sera réglé le tarif des frais pour les baptêmes, les enterrements, les mariages ? Ces oblations seront-elles purement volontaires ? On ne peut les rendre obligatoires, sans les assimiler à un salaire, contre l’esprit de l’Église et le texte du concordat. En tout cas, il ne faut pas songer à abandonner chaque congrégation locale à elle-même, si l’on ne veut pas voir dans de pauvres villages des églises abandonnées et

  1. Nombres, XVIII, 20.