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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/366

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la faculté d’accumuler des économies, de faire des placements et des acquêts, ne conduit-elle pas tout droit à la reconstitution des biens de mainmorte ? Si on maintient la défense d’accepter des legs sans autorisation du conseil d’État, la justice distributive risque à chaque instant d’être blessée ; si on la supprime, on ouvre la porte à des abus incalculables et de toutes sortes, et on nuit du même coup à la sécurité des familles, à l’impôt, à l’agriculture, et à la dignité du corps sacerdotal. Tout cela, dit-on, se fait ailleurs sans inconvénient. Oui, mais dans des pays où domine l’esprit d’association, où l’ordre résulte de l’initiative intelligente des citoyens ; non dans un pays de centralisation absolue. Il faut qu’un État soit homogène. Conclure de ce qui se fait dans un pays libre à ce qui pourrait se faire dans un pays qui ne l’est point, est tout aussi raisonnable que de vouloir tirer la même conclusion d’un raisonnement dont on aurait changé le principe. Supposez dans un pays la liberté d’association et l’esprit d’initiative qui en est la suite nécessaire, aussitôt l’association du clergé devient sans péril, et mes objections disparaissent. Quand une liberté est un péril, ce n’est jamais parce qu’elle existe ; c’est parce qu’une autre liberté, qui lui servirait de contre-poids, n’existe pas. Je suis bien loin de croire que les difficultés que j’accumule ici soient des impossibilités ; mais elles le sont peut-être chez nous en ce moment, elles le sont avec nos lois, nos mœurs et nos habitudes d’aujourd’hui. C’est tout ce que je veux démontrer. Rien dans la liberté n’est dangereux, pour quiconque a toute la liberté.

3. Cette difficulté est grave ; en voici une plus grave encore. La religion est nécessairement mêlée à tous les actes de la vie, à la naissance, au mariage, à l’éducation des enfants, à la mort[1]. De là des occasions innombrables de conflits.

  1. La mort est l’acte le plus important de la vie.