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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/369

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de bénir l’union de deux personnes dont l’une n’appartient pas à leur communion, et que d’autres mettent pour condition à de pareils mariages que les enfants seront élevés dans leur Église. Il résulte de ces exigences que l’indifférence religieuse se propage, ou que des consentements arrachés à la passion deviennent pour l’avenir une source de déchirements intérieurs. L’accaparement des enfants au profit du schisme[1] est une des persécutions les plus cruelles dont l’Église catholique ait eu à gémir en Pologne et en Russie sous le règne de l’empereur Nicolas. À Rome, en 1858, le pape Pie IX a enlevé le jeune Mortara, furtivement baptisé par une servante, et l’a fait élever dans une école catholique, contre le vœu formellement exprimé de son père et de sa mère. Ce système est ancien dans l’histoire des persécutions ; et ce n’est pas sans un douloureux étonnement que l’on voit, en 1767, un ministre sceptique usurper dans de telles matières sur la puissance paternelle, et décider que le bâtard d’un juif sera nécessairement élevé dans la religion catholique, en dépit de l’opposition d’un père[2]. Croirait-on que la loi puisse troubler un homme même dans la mort ? Cependant il y a des pays

  1. Vicissitudes de l’Église catholique des deux rites en Pologne et en Russie, ouvrage traduit de l’allemand par un prêtre de la congrégation de l’Oratoire, et précédé d’un avant-propos par le comte de Montalembert, partie I, § 3.
  2. « Un bâtard, dit le duc de Choiseul (Lettre ministérielle du 24 juillet 1767), n’appartient pas à son père, mais à l’Etat, et ainsi il doit naître catholique ; or, quand une fuis on est catholique, on ne peut cesser de l’être. »
     Dans deux circonstances récentes, l’une en France, l’autre en Angleterre, la question de savoir si l’autorité paternelle peut être entravée dans son exercice, en ce qui touche à l’éducation religieuse, a été portée devant les tribunaux. En France, une famille catholique demandait à la cour d’Orléans de priver de la tutelle de ses enfants un père qui venait de se convertir au protestantisme. En Angleterre, une famille protestante plaidait devant la cour du banc de la reine, les 17 et 21 janvier 1857, pour soustraire la fille d’un protestant mort en Crimée à la direction de sa mère catholique. La justice, dans les deux cas, a maintenu les droits de l’autorité paternelle. Nous voilà bien loin du duc de Choiseul.