Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/378

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contre-cœur et en faisant, s’il faut l’avouer, violence aux textes les plus formels, le prêt d’argent à intérêt[1]. Il fait, sans doute, en autorisant le loyer de l’argent, preuve d’intelligence et de sagesse ; mais on sait que pendant longtemps l’Église professa une doctrine toute contraire et qu’elle parvint même à introduire dans nos lois la défense de tirer un profit quelconque de l’argent prêté. Turgot nous apprend que cette loi était encore en vigueur, dans plusieurs parties de la France, en 1769[2]. Tout le monde voit ce qui arriverait, si le clergé revenait aujourd’hui à cette ancienne doctrine en mettant d’un seul coup en interdit tous les établissements de crédit et toutes les banques particulières. Je me borne à ces exemples que je ne fais qu’indiquer, pour montrer, non l’existence, mais la possibilité de nombreux abus.

Il y a deux points dans le dogme catholique dont l’importance sociale est considérable ; le dogme de la nécessité de la foi : « Hors de l’Église, point de salut, » et l’institution des sacrements ; le premier parce qu’il est la plus complète expression de l’intolérance religieuse, le second, parce qu’il ne permet aucune indulgence dans les fonctions les plus nécessaires du ministère ecclésiastique. On voit d’ici les mille conséquences pratiques, surtout dans un pays comme la France, où, par une contradiction qui doit disparaître devant les progrès de la raison publique, on est à la fois indifférent quant au dogme et exigeant quant aux cérémonies. Tout a été dit sur la confession auriculaire, c’est-à-dire sur l’administration du sacrement de pénitence. À cet égard, la loi civile et les mœurs ne peuvent rien, et la paix ne résulte que du bon esprit et de la sagesse du clergé. Il en est à peu près de même de la hiérarchie ecclésiastique. On sait que tous les prêtres sont liés par un serment d’obéissance à l’évêque de leur dio-

  1. M. le cardinal Gousset, II., t. I, p. 393 sqq.
  2. M. de Tocqueville, l’Ancien régime et la Révolution, p. 380, Cf. Jules Simon, La liberté civile, 3e édition, p. 284 sqq.