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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/377

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tiers. Le clergé catholique conseille partout le respect le plus scrupuleux du droit de propriété ; son action s’exerce tout entière au profit du Code civil. Il est heureux qu’il en soit ainsi. Tout le monde conviendra qu’il en pourrait être autrement. Il peut se rencontrer, en France ou ailleurs, un désaccord formel entre la casuistique et la loi civile.

On peut même à la rigueur en trouver chez nous quelques exemples. Ainsi, d’après la loi française, la convention contractée par violence n’est pas nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision[1]. Or un des casuistes les plus accrédités, le plus accrédité peut-être de l’Église de France, admet que la convention contractée par violence peut être rescindée, non-seulement par le juge, mais encore par la personne qui a été contrainte, et de sa propre autorité ; et que si cette rescision n’est pas acceptée par l’adversaire, la partie lésée peut « user de compensation à raison du tort qu’elle a éprouvé[2] ; » c’est-à-dire, en termes vulgaires, se payer de ses propres mains. S’il arrive à un confesseur de conseiller à un pénitent d’agir ainsi, le pénitent commet un acte défendu et même puni par la loi. Le même casuiste admet d’une façon générale, quoique avec de sages réserves, la doctrine de la compensation secrète[3]. Il autorise, un peu à

  1. Code civil, art. 1117.
  2. Saint Alphonse de Liguori, liv. III, no 717. — Cf. Gousset, Théol. mor., t. I, p. 347.
  3. « Il serait dangereux de conseiller la compensation secrète ; mais on ne peut la condamner comme contraire à la justice, lorsqu’elle réunit certaines conditions. Ce n’est pas faire tort à un débiteur que de prendre l’équivalent de ce qu’il nous doit, en se dispensant de la restitution. Les conditions requises pour que la compensation soit légitime au for intérieur, sont : 1o que le débiteur ait refusé, malgré nos réclamations, de nous rendre ce qu’il nous doit ; 2o que la chose qui est l’objet de la compensation appartienne réellement au débileur ; autrement ce serait un vol ; 3o qu’on ne prenne pas plus qu’il n’est dû, l’excédant serait une injustice ; 4o que la dette soit certaine et pour le droit et pour le fait. Dans le doute, on regarde généralement la compensation comme injuste, parce qu’alors la condition du possesseur doit avoir la préférence. » M. le cardinal Gousset, II., p. 369