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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/382

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sophisme. Il faut qu’une Église se gouverne et s’administre d’après ses propres principes, ou elle n’est pas libre. La Constituante n’avait que deux partis à prendre : ou laisser à l’Église une liberté absolue, ce qui était possible alors, ou obtenir par voie de concordat, c’est-à-dire en s’adressant à l’autorité du pape, les réformes comprises dans ce qu’elle appelait la constitution civile du clergé.

On voit par ce peu de mots que la liberté de conscience est une question très-simple et très-aisée en théorie, très-complexe dans la pratique, et qu’il n’est pas facile, comme certains esprits irréfléchis se l’imaginent, de trancher les difficultés qu’elle présente par deux ou trois articles de loi. Ces difficultés ne sauraient être vaincues que dans un pays absolument libre, où toutes les forces de l’enseignement laïque, de la presse, de la tribune, de l’association, de l’initiative intelligente des citoyens peuvent balancer l’ascendant du corps sacerdotal. Mais si la presse est surveillée et entravée, si la discussion des matières religieuses compromet la sécurité personnelle de ceux qui s’y livrent, si les associations de capitaux et d’efforts dans un but purement moral ne sont ni sanctionnées par la loi, ni facilitées par les mœurs, si les citoyens, accoutumés à se reposer de tous les intérêts généraux sur le gouvernement, ne savent pas employer leur énergie à défendre et à propager leurs principes, une Église aussi fortement constituée que l’Église catholique, ayant des prêtres par milliers, des affiliés innombrables, un chef absolu, des temples partout et par conséquent des confessionnaux et des chaires, assurée de plus de cent millions de revenus en France, sans compter les propriétés des fabriques, presbytères et autres établissements religieux autorisés comme personnes civiles, investie en outre du droit de tout imprimer et de tout dire, mêlée à tous les actes les plus solennels de la vie, à l’éducation, aux mariages, appelée sans cesse au chevet des mourants, une telle Église étouffe nécessairement toute liberté dans un pays, quand elle ne rencontre pas en face