Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même. Ajoutons qu’elle est inévitable dès qu’on renonce au concordat. Et en effet, qu’on y prenne garde : un concordat est un contrat synallagmatique. Si la France cesse de l’exécuter en ce qui la concerne, l’Église est déliée, elle rentre dans la plénitude de sa liberté. Je n’hésite pas un moment à dire que si l’on supprime, par exemple, le budget des cultes, il n’y a plus de concordat. L’Église romaine ne manquera pas aussitôt de signifier directement aux évêques français ses volontés, ses décisions doctrinales et les actes des conciles ; de nommer directement aux évêchés, d’en modifier les circonscriptions, de faire en un mot tout ce que le concordat lui interdit. Nous n’aurons contre ces empiétements que la diplomatie, et la ressource extrême d’une occupation militaire. Voici donc le dilemme dans lequel se trouve placé le gouvernement français à l’égard de l’Église catholique : ou conserver le concordat avec tous les droits qu’il garantit, ou renoncer au concordat, et rendre immédiatement sa liberté d’action à l’Église romaine. C’est-à-dire qu’il faut choisir entre ce qui existe, ou une liberté à coup sûr embarrassante dans l’état actuel, puisqu’elle émancipe une association formidable dans un pays où il n’y a pas d’association, et qu’elle donne la pleine liberté de son action au seul pouvoir en France qui n’émane pas du pouvoir central.

La Constituante avait essayé de sortir de ces difficultés par la constitution civile du clergé ; mais il faut dire que cette constitution n’était ni viable ni légitime. L’Assemblée était dans son droit quand elle réglementait la propriété du clergé, puisque la réglementation de la propriété dans un pays appartient au pouvoir civil ; mais quand elle décidait, par exemple, que les évoques seraient nommés par les électeurs au lieu de l’être par le roi, elle usurpait certainement sur les droits et sur l’indépendance de l’Église ; elle violait la liberté de conscience. Elle se défendait en disant qu’elle ne faisait que rétablir la pratique de l’Eglise primitive. Je le veux ; ce n’en est pas moins un