Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seignement ce qu’est pour les cultes une religion d’État. À partir de ce moment, et jusqu’à la révolution de 1848, il n’y eut plus en France de liberté d’enseignement[1].

Il était fort naturel que les droits de la liberté fussent revendiqués. Ils le furent rarement et faiblement jusqu’en 1830 par l’industrie privée qui ne songeait guère qu’à ses intérêts industriels, énergiquement et persévéramment, à partir de 1830, par le clergé catholique, maître jusque-là de l’enseignement, et fort peu soucieux, pendant cette heureuse période, d’une liberté qui n’aurait profité qu’à d’autres.

Je ne recherche pas ici si le clergé avait le droit, au point de vue catholique, de réclamer la liberté d’enseignement. Je ne le crois pas. Il n’est pas conforme à l’esprit de l’Eglise de réclamer la liberté d’enseignement, la liberté de la presse, la liberté de conscience, toutes libertés de même origine et de même nature[2]. Réclamer d’une façon

  1. « Quand on dit que les pères de famille sont dépouillés de leur autorité par suite de ce monopole, que le droit de la minorité est violé, la liberté de conscience supprimée, on oublie évidemment que toute la France est couverte d’établissements libres rivaux de l’Université ; mais si on a tort contre les faits, on a raison contre la loi telle qu’elle existe aujourd’hui. Il dépendrait de l’Université de ne plus accorder d’autorisation, de supprimer toute concurrence, et de mettre les pères de famille dans l’alternative, ou de ne pas donner d’éducation à leurs enfants, ou de les faire élever par elle.
     « En vain en appellerait-on à l’excellence de l’enseignement universitaire. C’est l’argument de tous les despotismes, qui ne peut prévaloir contre le droit. C’est du reste une promesse bien téméraire en face des éventualités de l’avenir, et les chefs actuels de l’Université ne peuvent répondre pour leurs successeurs. » Rapport fait au nom de la Commission chargée de préparer une loi organique sur l’enseignement, par M. Jules Simon, représentant du peuple. (Assemblée constituante, séance du 5 février 1849.)
  2. Il est faux qu’il ne soit jamais permis d’invoquer une loi mauvaise pour obtenir justice, dit Mgr Parisis (Cas de conscience, p. 11) ; en effet, il existe une énorme différence entre faire une mauvaise loi et en profiter pour un usage légitime quand elle est faite. » En admettant même cette distinction, on peut dire qu’elle n’était pas applicable ; car il ne s’agissait pas pour le clergé de profiter d’une mauvaise loi toute faite,