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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/405

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voquer je ne sais quel prétendu droit de se passer de raisonnement.

Est-il possible qu’on vienne contester le droit de penser librement, quand l’acte de penser n’est pas autre chose que l’adhésion spontanée de l’esprit à la réalité d’un fait ou à la vérité d’un principe ? Quand j’ouvre les yeux et que je vous vois, venez donc me dire que mes yeux se trompent ! Quand ma raison déclare qu’à tout effet produit il faut une cause, essayez donc de m’obliger à n’en rien croire ! Introduisez-vous donc entre ma pensée et son objet ! Vous le pouvez, oui, pour me tromper ; jamais pour m’éclairer. Éclairer un homme, ce n’est pas autre chose que de le mettre à même d’user librement de son esprit. C’est faire appel à sa liberté. Lorsque je pense à Dieu, et que je me demande s’il existe, apportez-moi des preuves, développez-les, mettez-les à ma portée, faites qu’elles me deviennent évidentes : vous m’aurez par là conduit à croire, mais vous n’aurez pas violenté mon esprit ; son adhésion sera éclairée ; donc elle sera libre. Au contraire, empêchez-moi de penser, ôtez-moi le temps nécessaire à la réflexion ; ôtez-moi la volonté de réfléchir ; qu’avez-vous fait ? vous avez détruit, autant qu’il était en vous, ma faculté intellectuelle ; vous m’avez violemment détourné de ma nature et de ma destinée ; vous m’avez ôté la libre disposition de ma propre force ; vous avez attenté à mon être !

Proposer une doctrine, la prouver, c’est reconnaître la liberté et la force de la raison ; imposer une doctrine par la violence, par la captation ou par l’abêtissement, c’est dégrader l’homme et désobéir à la volonté de Dieu qui nous a faits intelligents et libres. « La conduite de Dieu qui dispose toutes choses avec douceur est de mettre la religion dans l’esprit par les raisons, et dans le cœur par la grâce. Mais de la vouloir mettre dans l’esprit et dans le cœur par la force et par les menaces, ce n’est pas