Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle n’aura pas les caractères de l’évidence, il n’y aura pour elle d’arme légitime que la discussion. Qu’elle respecte avant tout la liberté de conscience, et qu’elle fasse par l’enseignement, si elle lapent, de légitimes conquêtes. La lice est ouverte !

Mais, dit-on, il ne s’agit pas de preuve philosophique, il suffit d’établir l’authenticité d’une révélation, c’est-à-dire de prouver par le témoignage l’existence d’un fait matériel. Je réponds qu’il n’y a de faits évidents que ceux dont on est témoin. Le reste se discute ; et la preuve, c’est qu’il y a des témoignages contradictoires, des révélations contradictoires, et des incrédules de bonne foi qui rejettent toutes les révélations. Comment ne sentez-vous pas que vous confondez l’évidence qui est dans les faits avec la certitude qui n’est qu’en vous-mêmes ? L’histoire aurait dû vous dégoûter de ce sophisme. La chimère de l’unité, que chaque doctrine a poursuivie tour à tour, a coûté assez de sang ; mais enfin aujourd’hui elle est vaincue ; les faits, tous les faits sont contre vous ; les majorités se sont déplacées ; le plus pitoyable des arguments, l’argument du nombre, est devenu ridicule ; il y a désormais droit de bourgeoisie pour toutes les croyances : il faut donc trouver des arguments que vos adversaires puissent admettre, et ne pas les déclarer impuissants par l’unique raison qu’ils ne croient pas ce que vous croyez. Eh ! sans doute, si une fois vous partez de la vérité de la révélation, vous pouvez dire que la raison est inutile, ou n’est utile tout au plus que pour vérifier les témoignages ; et vous pouvez dire que toute spéculation est insensée dès qu’elle s’écarte, ne fût-ce que d’une ligne, de la vérité révélée. Mais dites cela aux théologiens, dites-le aux fidèles ; ne le dites pas aux incrédules. Cherchez-leur des arguments qui puissent les convaincre. Ne supposez pas avec eux ce qui est en question, si vous voulez réellement discuter. Répéter sans cesse un argument qui, par le fait, est un cercle vicieux, c’est moins raisonner qu’in-