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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/407

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Ils vous diront : « Quand je serai devenu fort par votre faiblesse, et quand je vous aurai mis au point de croire sans discernement ce que je veux vous faire croire, je vous inculquerai une bonne doctrine et meilleure que tout ce qu’aurait pu trouver par ses propres forces cette raison périlleuse dont je vous aurai débarrassés. » Ainsi ils se consoleront du crime d’avoir dégradé et mutilé la nature humaine, par l’espérance de lui faire ensuite du bien. Qu’ils calment leur conscience par ce sophisme ; mais qu’ils n’espèrent pas nous le faire accepter, à nous qui rejetons leur doctrine, qui possédons notre raison, qui nous sentons obligés par la loi morale à gouverner nous-mêmes et à contrôler toutes nos pensées, et qui pouvons bien trouver étrange que, voulant nous éclairer à ce qu’on prétend, on ait d’abord besoin pour cela de nous rendre aveugles.

Savez-vous ce que c’est que cette liberté du dedans qu’on veut nous ravir ? C’est la matière du droit. Ôtez la liberté intérieure de nos opinions, de nos résolutions ; vous ôtez le droit, vous le supprimez, vous lui enlevez sa raison d’être, vous en détruisez même la pensée. C’est parce que je suis libre d’agir, que je me sens obligé à l’action juste. En même temps que je sens se mouvoir en moi cette force vive qui donne le branle à toutes les forces du monde, qui peut résister à la matière et la dompter, je comprends qu’elle n’est pas livrée au hasard et au caprice, qu’elle a une loi, comme tout ce qui existe, une loi que ma volonté peut enfreindre, mais qu’elle enfreint à son dam, en consentant, par l’usage désordonné de sa force, à une diminution et à une dégradation de mon être. Être libre, sans une loi, c’est être abandonné. La vraie liberté, celle qui fait de l’homme une image de Dieu, c’est la liberté réglée, dominée, sanctifiée, réalisée par la loi morale. Voilà la vraie force, une force employée au bien ; voilà l’action véritable, une action juste. Tout ce que je fais en dehors n’est que fatigue