Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moitié de l’œuvre ; la partager avec les hommes, c’est la dernière et la plus noble tâche, le devoir le plus pressant, celui qui rattache par les liens les plus forts la vie actuelle à la vie future. Que Dieu nous préserve de faillir à cette tâche, quand même le tyran la rendrait périlleuse. Parlez, si vous pouvez élever la voix. Écrivez, si on ne vous laisse que le livre. Enseignez sur la borne, s’il est possible ; ou, si la vie publique est fermée, enseignez dans votre maison. À défaut de la voix, vous avez l’exemple. Ce n’est pas une vertu, ni un acte d’exception ; c’est le devoir tout simple et tout uni. Soyez dans le monde, à l’égard du ciel, comme un médecin pour les maux du corps. Le médecin se doit à tous ceux qui souffrent, et vous à ceux qui ignorent. Voire Dieu vous demandera compte de votre vie. Ne vous assurez pas sur ces vertus négatives qui consistent uniquement à ne pas faire le mal : autant vaudrait ne pas être né ! Votre loi est de travailler à l’œuvre commune, d’aimer vos frères, de les consoler, de les éclairer, de les arracher au vice et à l’erreur, de les conduire à Dieu : voilà la vie ! voilà l’homme ! Est-ce seulement un devoir ? C’est un besoin. Connaître la vérité et la taire, cela ne se peut. L’âme en est oppressée ; il faut que la vérité éclate, qu’elle illumine le monde. Elle s’achève, pour ainsi dire, par la transmission. Elle reçoit de la communion des hommes une consécration et une grandeur qui la rendent plus vénérable et plus efficace. Tout culte a besoin d’enthousiasme, et l’enthousiasme a besoin de contagion. Les âmes s’allument l’une à l’autre comme des flambeaux. Le maître de la vie mystique a dit : « Quand plusieurs hommes sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux[1]. » Sainte et profonde pensée, qui fait de l’humanité une famille, et de Dieu un père.

C’est un besoin encore pour l’honneur d’une croyance.

  1. Évangile selon saint Matthieu, XVIII, 20.