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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/412

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Nul ne doit être indifférent aux intérêts de sa foi. C’est le comble de la grandeur humaine que de s’identifier à une noble cause, de vivre pour elle, et d’être prêt à mourir pour elle. Grâce à Dieu, le temps des guerres religieuses est fini ; mais celui des controverses ne finira pas. Qui pourrait consentir à se laisser désarmer dans ce nouveau champ de bataille[1] ? Plus la force qui impose une croyance est immorale, plus l’apostolat qui la prêche est sacré. Apprenons à respecter dans autrui le droit de l’apostolat et à le faire respecter en nous-mêmes. Reculer devant la dispute, c’est méconnaître la liberté et marquer par un signe infaillible qu’on n’a pas la foi. Comme jadis on courait sur les champs de bataille armé de toutes pièces et prêt à mourir pour sa bannière, offrons toujours le combat, soyons prêts à l’accepter ; le combat de la discussion, la noble et pacifique lutte, où chacun aime avec passion son adversaire, et le salut de son adversaire ; où la plus belle conquête est d’entrevoir une vérité nouvelle, et de porter plus loin dans les foules une vérité déjà connue. grandeur de la philosophie, dont le nom signifie à la fois la lumière et la paix !

Et qui donc m’empêcherait de propager ma croyance ? Quel droit élèverait-on contre ce droit ? Quelle est la doctrine qui préférerait la force à la discussion ? qui emploierait contre ses adversaires le bâillon, le sabre et le bûcher ? qui les calomnierait, ne pouvant les réfuter ? qui briserait leurs bouches avec des bâtons, de peur d’entendre la vérité en sortir ?

Quoi ! un homme consacrera sa vie à la recherche de la vérité ; il sacrifiera tout, le plaisir, le bien-être, la renommée, à cette noble passion de la science ; et quand enfin, à force de peines, après toute une vie, il apercevra, en frémissant de joie, ce soleil qui se lève, si, dans son

  1. Le silence est la plus grande persécution : jamais les saints ne se sont tus. « (Pensées de Pascal, art. XXIV, 66. Havet, p. 341.)