Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/422

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son Épître aux Romains : « Bénissez ceux qui vous persécutent… Ne rendez à personne le mal pour le mal. Ayez soin de faire le bien, non-seulement devant Dieu, mais devant tous les hommes… Ne vous vengez point vous-mêmes, mes chers frères, mais retenez votre colère, car il est écrit : « C’est à moi que la vengeance est réservée, et c’est moi qui la ferai, dit le Seigneur[1]. »

Si je continuais ainsi à chercher toutes les paroles d’amour, je ne finirais pas, et je vous lirais tout l’Évangile. Je voudrais aller le lire dans les lieux où s’assemblent les docteurs de l’intolérance. Ah ! leur dirais-je, voilà le livre que vous aviez dans les mains, voilà la doctrine que vous pouviez nous prêcher, à nous, mondains, à nous, incrédules ; voilà la force que vous aviez pour conquérir les âmes ; et au lieu de cette douceur et de cette bénédiction, au lieu de cette voix venue du cœur et qui eût entraîné tous les cœurs, vous allez relever dans la fange le drapeau de l’inquisition et des guerres civiles ? Vous ne faites entendre que des paroles de haine, des malédictions, des menaces ? Quand vous avez dans la main l’Évangile, vous faites appel à la force ?

Maintenant, je résume en très-peu de mots toute la carrière que nous avons parcourue dans les pages qui précèdent. Il y a deux mille ans, rien n’était vivant dans le monde, la Grèce périssait sous les atteintes de Rome ; Rome, maîtresse du monde, s’humiliait et s’abaissait sous un empereur. Les lois perdaient leurs forces ; les mœurs, leur sainteté ; la philosophie dégénérait en luttes frivoles ; la religion païenne faisait pitié même à ses prêtres : le christianisme apporta dans cette société épuisée son symbole profond et simple, sa morale austère, et le dogme de la fraternité universelle. Tous les opprimés coururent à la religion qui les relevait et les sauvait. On embrassa ses mâles préceptes comme un refuge contre la dissolution et

  1. Saint Paul, aux Romains, XII, 14, 17 et 19.