Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/19

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jestueusement de rester tranquille, on me défend de mettre mes coudes sur la table, je ne dois pas remuer les jambes, et je mange le gras de ceux qui ne l’aiment pas ! Je m’ennuie beaucoup avec ces messieurs de la bachellerie, et je suis si heureux avec les menuisiers !

Je couche à côté de tonton Joseph, et il ne s’endort jamais sans m’avoir conté des histoires — il en sait tout plein, — puis il bat la retraite avec ses mains sur son ventre. Le matin, il m’apprend à donner des coups de poing, et il se fait tout petit pour me présenter sa grosse poitrine à frapper ; j’essaie aussi le coup de pied, et je tombe presque toujours.

Quand je me fais mal, je ne pleure pas, ma mère viendrait.

Il part le matin et revient le soir.

Comme j’attends après lui ! Je compte les heures quand il est sur le point de rentrer.

Il m’emporte dans ses bras après la soupe, et il m’emmène jusqu’à ce qu’on se couche, dans son petit atelier, qu’il a en bas, où il travaille à son compte, le soir, en chantant des chansons qui m’amusent, et en me jetant tous les copeaux par la figure ; c’est moi qui mouche la chandelle, et il me laisse mettre les doigts dans son vernis.

Il vient quelquefois des camarades le voir et causer avec lui, les mains dans les poches, l’épaule contre la porte. Ils me font des amitiés, et mon oncle est tout fier : « Il sait déjà toutes ses lettres. — Jacques, dis ton alphabet ! »

Un jour, l’oncle Joseph partit.