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Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/235

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rais voulu avoir l’air d’un homme, en redemander aux garçons : « Passez-moi ce plat-là ! » m’essuyer la bouche avec une serviette, en me renversant en arrière, et dire en finissant : « En voilà encore un que les Prussiens n’auront pas. »


M. Chanlaire se lève :

« Mesdames, messieurs et gamins, j’offre du champagne.

— Jacques, tu boiras dans mon verre, dit ma mère, du ton dont elle dirait : « On ne m’enlèvera pas mon fils. »

— Non, il boira dans le sien, et c’est lui qui aura l’étrenne de cette bouteille, dit M. Chanlaire en pressant le bouchon, qui part comme une balle ; les enfants les premiers ! »

Il remplit mon verre, qui déborde, et dit :

« Vide-moi ça ! »

Ma mère me lance des yeux terribles, et tape de petits coups sur la table, qui veulent dire : regarde-moi donc !

Je n’ose la regarder ni boire.

« Tu es là comme un empoté, voyons ! »

Empoté ! M. Chanlaire dit cela tout haut, j’en ai le cœur qui se fend, la main qui tremble, et je renverse la moitié du champagne sur une robe d’à côté.

« Nigaud ! » dit l’inondée…

« Empoté ! Nigaud ! » C’est ma mère qui est cause que j’ai été si bête.