Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/236

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Elle me sermonne encore après, en renchérissant sur les autres.

Je vais me coucher gonflé et piteux.

« Par ici, votre chambre, » dit le garçon.

Au moment où je suis au bout du corridor, disant adieu à la dame de Paris et à ses fils, qui m’ont fait tout le soir des amitiés, ma mère m’appelle :


« Jacques, les cabinets sont en bas ! »


Il y a l’accent du commandement dans la voix — de la sollicitude aussi — elle prend des précautions auxquelles son enfant, avec l’imprudence de son âge, ne songe pas.

Mes camarades sourient, leur mère rougit, la mienne salue.

Aujourd’hui encore dans mes rêves, dans un salon quelquefois, au milieu de femmes décolletées, à table dans un bal, j’entends, comme Jeanne Darc, une voix : « Jacques ! les cabinets sont en bas ! »


Le lendemain matin nous reprenons le bateau.

La dame de Paris est encore avec ma mère et je suis avec ses fils.

Ils sont plus remuants que moi et ne s’arrêtent pas au milieu du pont, les lèvres entr’ouvertes et le nez frémissant, pour respirer et boire le petit vent qui passe : brise du matin qui secoue les feuilles sur les cimes des arbres et les dentelles au cou des voyageuses. Le ciel est clair, les maisons sont blanches, la rivière bleue ; sur la rive, il y a des jardins pleins de