Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/239

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loir demeurer sur le versant du quai, et l’on croit que nous allons allumer du feu et faire la soupe. Nous sommes un obstacle au commerce, les déchargements se font mal. — À nous trois, nous tenons plus de place qu’il n’est permis dans un port marchand ; et déjà il se forme des rassemblements autour de notre colonie.

Ma mère a entrepris mon père.

« Tu ne pouvais pas demander à M. Chanlaire ?…

— Puisque c’est toi qui t’en étais chargé.

— Moi ! »

Elle a la note aiguë, et qui fait retourner les passants. On s’attroupe.

Un portefaix s’approche.

« Combien ! dit ma mère, pour emporter nos bagages ?

— Trois francs.

— Trois francs !

— Pas un sou de moins.

— Je vais en trouver un, moi, laisse faire, qui ne demandera pas trois francs, dit ma mère, confiant ses paquets, ses châles et une boîte à mon père et allant à un malheureux en guenilles qui traînait par là. »

Il a à peine le temps de répondre que le portefaix arrive, montre sa médaille, fond dans le tas, accable le déguenillé de coups et la famille Vingtras d’injures.

Dans la bagarre, les boîtes s’écroulent et roulent vers la rivière.

« Jacques, Jacques ! »