Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/238

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Il se tache de noir, ce ruban ; il prend une couleur glauque, tout d’un coup, et il semble qu’il roule du sable sale, ou de la boue. C’est la mer qui approche, et vomit la marée ; la Loire va finir, et l’Océan commence.

Nous arrivons, voici la prairie de Mauves ! — Je suis resté tout le jour sous l’impression calme du matin. — J’ai peu joué avec mes petits camarades, qui s’étonnaient de mon silence.

L’espace m’a toujours rendu silencieux.

Nous sommes près du pont en fil de fer, je lis au loin Hôtel de la Fleur. — Nous sommes à Nantes.


NANTES


Ma mère a tanné Monsieur Chanlaire pour lui demander où nous ferions bien d’aller en débarquant, et elle s’y est prise si bien, qu’il l’a envoyée au diable — tout bas, — et qu’il s’esquive aussitôt qu’on arrive. Il jette son adresse à mon père, sa valise à un portefaix, et le voilà loin.

La dame de Paris s’en va de son côté. Nous nous serrons la main avec ses enfants, et, voilà Monsieur Vingtras, professeur de sixième au collège de Nantes, debout, sur le pavé de la ville, avec ses malles, sa femme et son garçon.


Notre spécialité est d’encombrer de notre présence et de gêner de nos bagages la vie des cités où nous pénétrons. Pour le moment, nous avons l’air de vou-