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l’estrade par un homme qui empoisonnait. — Toujours donc !

Mais je n’avais pas la foi, et je me moquais d’avoir des prix ou de n’en avoir pas, du moment que mon père ne me tourmentait pas.


LA MAISON


Nous demeurons dans une vieille maison replâtrée, repeinte, mais qui sent le vieux, et quand il fait chaud il s’en dégage une odeur de térébenthine et de fonte qui me cuit comme une pomme de terre à l’étouffée : pas d’air, point d’horizon !

Je passe là, les dimanches surtout, des heures pénibles. Pas de bruit, que celui des cloches, et ma tristesse d’ailleurs, même en semaine, est plus lourde dans ce pays, sous ce ciel clair, que sous le ciel fumeux de Saint-Étienne.

J’aimais le bruit des chariots, le voisinage des forgerons, le feu des brasiers ; et il y avait une chronique des malheurs de la mine et des colères des mineurs.

Ici, dans le quartier que nous habitons du moins, il n’y a pas d’usines à étincelles et d’hommes à œil de feu, comme presque tous ceux qui travaillent le fer et vivent devant les fournaises.

Il y a des paysans aux cheveux longs et rares, tristes et laids : ils vont muets derrière leurs chariots à travers la ville et ont l’air terne et morne des sourds. Pas de gestes robustes, point l’allure large, la voix